Revue de presse


article paru sur le site Murmures.info, signé gul

Seule tentative théâtrale de Keith Waterhouse (1929–2009), Jeffrey Bernard est souffrant raconte quelques uns des ultimes délires éthyliques du journaliste anglais du même nom. Les gueules de bois répétées de Jeffrey Bernard, qui l’empêchaient de rédiger ses chroniques, se signalaient dans les colonnes des journaux pour lesquels il travaillait par un laconique : Jeffrey Bernard est souffrant.

Composée d’acteurs professionnels et d’amateurs déjà aguerris, la jeune compagnie neuchâteloise Maskarade s’est emparée de l’alcoolique JB et de son univers cynique pour sa deuxième pièce de théâtre. La mise en scène de Nina Vogt offre une bonne progression dans le texte de Waterhouse (traduit en français par Jacques Villeret) qui au demeurant est une succession d’anecdotes narrées par le personnage principal. Ainsi, plusieurs subtilités permettent de rompre avec le monologue de Jeffrey (interprété par un très convaincant Manu Moser) tout en participant à l’évolution de l’histoire. Dans ses divagations éthyliques, le héros convoque autour d’un verre la faune bigarrée du Soho qui lui servait de fréquentation. L’un des défis de la pièce repose dans la soixantaine de rôles secondaires (les invocations de JB) à interpréter. Là également, la mise en scène assure avec intelligence l’intégration de cette multitude de personnages joués et assumés d’ailleurs par cinq acteurs seulement.
Quant à l’espace scénique, il est judicieux et on ne peut plus cohérent. En effet, l’unique décor, un bar, est entièrement conçu d’objets thématisés : quelques fûts servent de comptoir ou de tables tandis que d’innombrables caisses à bières composent les parois de ce lieu original rendu réel.

Sans faire l’apologie de la low-life, Jeffrey Bernard est souffrant a l’avantage de donner la parole (et Dieu sait combien c’est rare) à l’alcoolique. La vision des choses de cet impudent journaliste anglais aurait de quoi dégoûter. Et pourtant, par son humour et sa façon crue, mais réaliste, de percevoir ses problèmes, ce cynique personnage en deviendrait presque attachant.
Mise en garde tout de même, cette pièce donne soif !

Article original sur Murmures.info


Article paru dans L’Express du 10 mars 2011, signé Timothée Léchot


ven 11 mars 2011 15:45
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