La pièce Bent


Résumé

Bent a été écrite en 1978 par l'auteur américain Martin Sherman (adaptée en français par Thierry Lavat). La pièce est basée sur le témoignage du déporté autrichien Heinz Heger, déporté durant la 2ème Guerre Mondiale pour cause d'homosexualité. La première officielle de la pièce eut lieu en 1979 au Royal Court Theatre de Londre avec Ian McKellen dans le rôle principal. Là, elle rencontra un très grand succès; critiques très positives de la presse anglaise, traduction de la pièce dans plusieurs langues, remake au cinéma en 1997, etc.
Bent, en anglais, signifie : "courbé, plié, déviant". Ce mot est également utilisé péjorativement pour parler des homosexuels.


Histoire

Bent a pour cadre Berlin, 1934. Max et Rudy, un couple d'homosexuels, assistent à la mort violente d'un jeune-homme (Wolf) par la Gestapo. Choqués, ils se rendent dans leur club de prédilection pour trouver des explications. Là, on leur apprend que ce meurtre faisait partie d'un massacre organisé par les SS, que toute la ville fut mise à feu et à sang et que plus aucun homosexuel n'est en sécurité à Berlin. Rudy et Max se voient alors obligés de fuir leur chère ville. Ils essaient tant bien que mal de trouver des solutions pour quitter ces terres fascistes, mais sont finalement découverts et transportés dans le camp de concentrations de Dachau.
Durant le voyage, Rudy est tué tandis que Max survit grâce à l'aide inattendue d'un autre prisonnier, Horst, également homosexuel. Au sein du camp, à force de suer et de craindre le pire ensemble, les deux hommes tombent amoureux et tentent de retrouver un certain bonheur. Malheureusement, ce genre de joie n'est que de courte durée en tel endroit...


particularités

L'intérêt principal de Bent est que cette pièce est l'une des seules œuvres littéraires traitant de la déportation et l'oppression des homosexuels allemands ou considérés comme allemands (autrichien, hollandais, français d'Alsace et Lorraine) par les Nazis. Pour une fois, une pièce relatant les horreurs de la Deuxième Guerre Mondiale ne traite pas l'oppression des juifs mais aborde un autre aspect plus caché de la vie dans les camps. Certains ont prétendu que la déportation des homosexuels n’avait pas existé. De nombreux préjugés et critiques ont été formulés à l’époque et le sont encore aujourd’hui à l’égard de ces opprimés (En 2002, la gerbe de fleurs déposée par la congrégation homosexuelle sur le monument des déportés à Paris a été piétinées et brûlées par d’autres congrégations). Les homosexuels qui ont péri dans les camps sont ainsi morts deux fois : par les armes et par le reniement. Bent, de par son histoire, tente de redonner un peu d’honneur à ces oubliés de la mémoire ainsi que de sensibiliser le grand public au sujet de cet aspect de l’Histoire ; en effet, la déportation des minorités comme les homosexuels, les retardés mentaux ou les tsiganes est nettement moins connue. Ce sujet n'est que très peu abordé par les médias de même qu’il ne figure pas aux programmes des écoles secondaires inférieures et supérieures. Cette pièce reste encore d’actualité car ses propos servent à dénoncer les injustices qui existent encore à l’encontre de ces opprimés.

La pièce se distingue également par un autre élément ; celui de montrer une relation entre homosexuels en évitant de tomber dans les clichés associés à l’homosexualité. Aucun de ces personnages ne se comporte de manière extrême comme les personnages de « la cage aux folles » ou n’est habillé excentriquement tels les participants des « gay pride ». Bent dépeint d’abord une histoire d’amour interdite et pénalisée par les autorités. Martin Sherman montre une relation entre deux personnages qui essaient de survivre et de s’aimer malgré les conditions terribles qui les entourent et les contraignent.

Tout comme le livre de Primo Lévi Si c'est un homme, Bent décrit la vie de tous les jours dans les camps de concentration, comment les prisonniers devaient se battre et magouiller avec leurs chefs de baraquement pour pouvoir survivre. Au fur et à mesure de la pièce, on découvre comment cette vie pouvait entraîner à la folie par des conditions éprouvantes: le peu de nourriture, la violence constante même entre codétenus, le travail pénible, répétitif et abrutissant. Mais cette pièce montre également que certaines personnes pouvaient garder leur humanité et leur intégrité en un tel endroit.

Bent montre aussi le long chemin d'un des personnages principaux pour accepter qui il est malgré les constantes violations de ses droits et réprimandes de la part du reste de la société. 


Distinctions

Bent a été nommée et a reçu de nombreux prix dans les pays anglophones, où la pièce est nettement plus célèbre qu’en francophonie. En 1980, cette pièce a été nommé pour un Tony awards aux États-Unis (qui est l’équivalent des Molières en France) ainsi que pour le Prix Pullitzer. En 2002, elle a également été nommée dans la catégorie « révélation de l’année » aux Molières. Alors que cette pièce a reçu de nombreux prestigieux prix et a été acclamée dans les pays anglo-saxons, elle n’a été jouée que seulement cinq fois en Suisse ces trente dernières années ! Bent est une pièce dénonçant des injustices qui sont toujours d’actualité ; elle mérite le droit d’être plus visible.
mar 4 janvier 2011 15:31
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